Abstract
La science des administrations et la théorie des organisations sont deux secteurs des sciences sociales particulièrement affectés par les problèmes inhérents à la conception positiviste de la connaissance de l'univers social. Le statut relatif de la théorie et de la méthode, l'interrelation que l'on présume exister entre les deux, et les postulats selon lesquels on peut « appliquer » la connaissance des phénomènes sociaux en vue d'améliorer la condition humaine, tout cela se présente souvent de façon fort simpliste et quelquefois même dangereuse. A l'aide des arguments avancés par Herbert Simon dans Administrative Behavior et dans ses ouvrages subséquents, l'auteur veut attirer l'attention sur les plus sérieux écueils que recéle l'approche positiviste dans l'étude des processus administratifs parmi les groupes organisés. Le débat sur l'œuvre de Simon, entre 1947 et 1959, a permis de constater que la majorité des critiques, tout en mettant en cause l'accent qu'il plaçait sur des prémisses « décisionnelles » et la dichotomie faits-valeurs qui les soustend, étaient pour l'essentiel d'accord avec Simon quant à la nature de la rationalité humaine, au rôle de l'individu dans un groupe de travail, et à la contribution que l'intellectuel universitaire, par le biais de ses préoccupations cognitives, pouvait apporter à l'amélioration des processus administratifs au nom d'une certaine conception du progrès. Ce n'est qu'à partir du moment où l'on prend conscience que la distinction entre fait et valeur est à la fois une conséquence et une cause de l'établissement et du maintien de la dichotomie entre, d'une part, une soit-disant objectivité sur laquelle l'intellectuel universitaire non engagé aurait une emprise privilégiée et, d'autre part, la subjectivité telle que caractérisée par les valeurs, les préjugés, les préférences et, en général, « l'irrationalité » des participants engagés, que les implications de cette singulière réduction deviennent évidentes. Une analyse plus phénoménologique de l'organisation du travail amène l'auteur à suggérer, entre autres choses, que les « manquements » à la rationalité tels qu'ils se produisent dans la vie de tons les jours soient considérés non pas comme des déviations par rapport à l'idéal défini dans la tour d'ivoire universitaire, ni comme des facteurs de sabotage de la rationalité optimale, mais bien comme composantes intégrates des données d'une situation bien mieux connue par l'acteur-participant qu'elles ne peuvent l'être par l'analyste extérieur à la situation. En contrepartie de cette conception de l'acteur comme cherchant à satisfaire ses besoins eut égard à sa propre connaissance de l'état d'une situation donnée, on retrouve la préférence des acteurs pour des décisions et actions collectives plutôt qu'individuelles, préférence dont l'auteur souligne, en conclusion, quelques implications.

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