Le sida, parce qu'il s'est d'emblée inscrit dans un double registre de la transgression (sexuelle) et de l'agression (par l'autre), s'est avéré une illustration remarquablement efficace de cette représentation d'une liaison dangereuse entre épidémie et immigration, aux États-Unis où la stigmatisation des Haïtiens a été particulièrement marquée comme en Russie où des Africains ont été expulsés après avoir été découverts malades du sida, en Europe où certains pays ont sélectionné les étudiants étrangers en fonction de leur statut sérologique comme en Afrique où les prostituées étrangères ont souvent fait l'objet de mesures répressives. On ne s'étonnera pas, dans ces conditions, qu'il ait été si difficile de dire et même de penser ensemble ces deux termes -- épidémie et immigration -- notamment dans le contexte français où le souci légitime d'éviter les amalgames se doublait d'une cécité particulière à l'endroit de la « question immigrée ».