Le paludisme d’importation au CHU de Bordeaux de 2000 à 2007: épidémiologie, prise en charge et comparaison avec les données nationales

Abstract
La France est le pays industrialisé le plus touché par le paludisme d’importation. L’objectif principal de notre enquête a été de décrire les caractéristiques épidémiologiques et la prise en charge des cas adultes de paludisme d’importation au CHU de Bordeaux et de les comparer aux données du Centre national de référence du paludisme (CNRP). Une étude rétrospective a été conduite chez les patients de plus de 15 ans pris en charge au CHU de Bordeaux entre 2000 et 2007. Au total, 526 cas ont été systématiquement recrutés. La population étudiée avait un âge moyen de 37 ans et était constituée de deux tiers d’hommes. Les patients étaient moins souvent originaires d’Afrique subsaharienne, de Madagascar ou des Comores qu’au niveau national (29 versus 72 %). La principale région endémique du monde visitée était l’Afrique subsaharienne (deux tiers d’Afrique de l’Ouest et un tiers d’Afrique centrale). Le recours à une classe de chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) recommandable pour un séjour en zone de chimiorésistance a été déclaré dans seulement un tiers des cas, dont deux tiers sans observance satisfaisante. Les recours à une CPAP par chloroquine et à la moustiquaire, quelle que soit la régularité, ont été respectivement cinq fois moins fréquents (6 versus 24 %) et dix fois plus fréquents (36 versus 3 %) parmi les patients de Bordeaux qu’au niveau national. Plasmodium falciparum était l’espèce plasmodiale infectante la plus fréquente. Le paludisme a été associé à l’expression de formes plus fréquemment hospitalisées (89 versus 71 %) et compliquées (9 versus 4 %) au CHU de Bordeaux qu’au niveau national. Deux décès ont été notifiés. Concernant le traitement curatif, l’atovaquone plus proguanil (AP) a été plus souvent utilisé au CHU de Bordeaux qu’au niveau national (64 versus 20 %). Par ailleurs, l’AP est apparu à Bordeaux comme le traitement usuel des formes non compliquées et la quinine par voie intraveineuse celui des formes compliquées ou émétisantes. L’insuffisance du recours à la CPAP, le retard diagnostique ou thérapeutique trop fréquent et la létalité non négligeable, constatés essentiellement parmi les voyageurs atteints de paludisme importé d’Afrique subsaharienne, devraient concourir à motiver l’adaptation de la formation médicale continue ainsi que la politique publique d’éducation et de prévention ciblant les voyageurs séjournant en zones de forte endémicité palustre telles que l’Afrique subsaharienne, Madagascar et les Comores. In Western countries, France accounts for the most concerned by imported malaria. The objective of the present study was to describe the epidemiological and clinical features of imported malaria in adults attending the University Hospital Center (UHC) ofBordeaux and to compare these findings with the French national epidemiological data. A retrospective analysis of all patients aged over 15 years with parasitologically confirmed malaria in patients recruited between January 1, 2000 and December 31, 2007 has been performed. A total of 526 cases fitted the inclusion criteria with two-thirds of males and a mean age of 37 years. Patients were less frequently native from sub-Saharan Africa (SA), Madagascar, and Comoros than those from the French national data register (29 versus 72%). Hence, SA was the main destination (2/3 travelling to Western Africa and 1/3 to Central Africa). The recourse to an adequate chemoprophylaxis (CPL) for stays in areas of chemoresistance had been reported in about one-third of the patients. From these, two thirds were noncompliant. The recourse to chloroquine less frequent (6 versus 24%) among patients from Bordeaux compared to those from the national data register whereas the recourse to mosquito net use more frequent in patients from Bordeaux (36 versus 3%). Plasmodium falciparum was the main infective species.Malaria was more frequently associated with hospitalization (89 versus 71%) and with severe disease (9 versus 4%) in Bordeaux than in national data register. Two deaths were declared. Atovaquone-proguanil (AP) combination therapy wasmore frequently used in Bordeaux compared to the national data (64 versus 20%). This AP combination treatment was the most frequently prescribed for uncomplicated malaria, whereas intravenous quinine was mainly used for complicated malaria and for patients with vomiting. The lack of CPL, the diagnosis or therapeutic delay, and the lethality of malaria among travellers infected by malaria imported from SA argue for the implementation of continuing medical training and health education targeted at travellers from France to high malaria-endemic areas such as SA, Madagascar, and Comoros.